Enfant elle avait mis le masque
Les mains rouges du sang de l’innocence, elle avait trouvé là l’oubli.
Dans les tiroirs sombres du semainier de son âme elle avait caché les douleurs et les larmes d’un inacceptable présent.
Il la regardait l’œil d’or côtoyant son frère noir fixé sur la douceur de pêche de sa peau parfumée. Incapable de ne pas l’aimer, de ne pas sentir monter en lui une soif d’elle impossible à assouvir.
Adolescente les mains rouges du sang de la vengeance, elle portait un plus beau masque. Comédienne forcée de la vie, elle brisait des cœurs d’un simple sourire merveilleux mais aussi faux pour elle qu’il semblait véritable à la concupiscence des hommes.
Dans son âme consumée par la froideur d’une matinée d’hivers à pierre fendre, il ne subsistait que le maigre foyer d’une double amitié, pour éclairer la nuit des jours qui s’enchaînent sans saveur.
Le feu cuivré de sa toison courait en vague légère et soyeuse jusqu’à la naissance de sa croupe. Il brûlait de la toucher, de caresser encore et encore la douceur soyeuse de ces torrents de flammes.
Avait il une minute cesser de l’aimer ces dernières années ?
Elle lui offrait la faute, la trahison et le mal. Et il se réjouissait de la faute, de la trahison et du mal, s’ils lui permettaient de la garder prêt de lui à jamais.
Femme elle était devenue le masque.
Elle était belle plus belle encore qu’avec son masque. Insouciante et légère, voluptueuse séductrice elle exhibait sa chair pour en masquer les douleurs.
Suscitant d’un déhanchement l’envie, elle n’était plus qu’invitation au plaisir. Hommes, femmes, n’étaient que des jouets d’une lubricité méchante et punitive. Elle rendait avec rage les poussières de souvenirs cachés dans ses tiroirs dans la moiteur des chairs qui se touchent.
Elle goûtait avec plaisir le sang de ses victimes, comme un rite devenu sacré, d’une lame qui offre au monde des morts de nouveaux pensionnaires.
L’émeraude d’un regard le transperce. Il sait tout d’elle aujourd’hui à force d’un amour si inconditionnel qu’il en fut pathétique. Il a ôté le masque et lu dans le livre de son âme, la folie des brisures d’une enfance volée. A force de caresses, de baisers, de sacrifices, de soumissions feintes, d’insoumissions souhaitables, un espoir est né.
Il entretien seul désormais le foyer qui réchauffe timidement les pierres froides de son cœur. Un jour il le sait, la flamme brûlera avec tant de force que tous les tiroirs à jamais demeureront clos…
Ils se touchent, sans se toucher, lui le maudit l’homme double, le deux couleurs portant encore la cicatrice de tous ceux qui sont morts comme une médaille de chairs sombres outragées ; elle la putain, la voleuse, la faucheuse d’âme, championne désignée des vices d’un monde brisé…